Fiche élaborée par Michele Bernardini, University of Naples, L’Orientale
Famille de langue et particularités linguistiques
La langue néo-persane (zabān-e fārsī) représente la dernière évolution du persan, langue iranienne qui a eu une longue évolution historique depuis l’époque achéménide (VIe-IVe siècle A.C., vieux-perse) et l’époque sassanide (IIIe-VIIe siècle A.C., moyen perse ou pahlavī). La langue néo-persane (à partir du IXe siècle) se caractérise par l’adoption de l’alphabet arabe, avec l’adjonction de quatre nouvelles lettres. Les premiers témoignages de cette langue apparaissent dans le Khorassan historique, bien que son développement se vérifie dans différentes régions de l’Iran actuel, en particulier dans le Fārs (sud-ouest de l’Iran actuel). Aujourd’hui le persan est codifié par une ample variété linguistique, incluant les variantes tadjike (au Tadjikistan) et Dārī (en Afghanistan).
Écriture
L’écriture néo-persane est alphabétique, elle prévoit un système de vocalisation qui suit l’alphabet arabe bien qu’avec une variation substantielle dans l’usage des voyelles (six). Différentes consonnes du néo-persan, surtout dans les emprunts arabes, ont perdu leur valeur phonétique originelle et sont aujourd’hui homophones.
Les premiers témoignages littéraires du néo-persan apparaissent dès le IXe siècle, bien qu’une survivance du vieux et du moyen-persan persiste dans les textes religieux zoroastriens et manichéens de l’époque islamique. On signale aussi la présence du judéo-persan, écrit en caractères hébreux.
Étendue chronologique et géographique
Dans la littérature d’expression néo-persane, différents éléments de la littérature arabe ont été inclus, en particulier dans la poésie où l’utilisation de la qasīde, est un héritage direct du modèle arabe, avec, dès le Xe siècle, l’adoption de la métrique « khalilienne ».
Cela dit, des formes autochtones apparaissent dès le début, c’est le cas du quatrain (do-beyt ou robā‘ī) et surtout du mathnavī, ce dernier utilisé pour des poèmes épiques, caractérisés par l’usage de distiques proposant des rimes à l’intérieur du vers. Le Shāhnāme de Ferdowsī (fin Xe-début XIe siècle) représente le premier témoignage de ce genre littéraire.
Généralement les historiens de la littérature néo-persane ont individualisé trois phases différentes pour la diffusion du néo-persan « classique » :
- le style khorassanien correspondant aux premiers témoignages de cette langue dans le nord-est de l’Iran actuel, dans l’Afghanistan et en Transoxiane ;
- le style irakien, développé surtout dans le sud-ouest de l’Iran en particulier à Shiraz jusqu’à l’invasion mongole (XIIIe siècle) ;
- enfin le style indien qui fut utilisé dans tout l’Iran et en dehors de l’Iran principalement en Inde, jusqu’au XIXe siècle.
Bien qu’utile, cette périodisation ne manque pas d’exceptions.
Valeur symbolique
Le néo-persan devint bientôt le véhicule pour la transmission d’une longue tradition culturelle que la conquête musulmane avait partiellement mise à l’écart. Si, d’un côté, les Persans firent un large usage de l’arabe, surtout dans les premiers siècles qui suivirent l’occupation islamique – comme l’attestent de nombreux ouvrages à sujet religieux, historiographique, géographique, scientifique et même littéraire –, d’un autre côté, le persan devint bientôt, surtout grâce au Shāhnāme, le véhicule d’une tradition autochtone qui se référait au passé sassanide. Cela dit les études récentes, on réévalué ce caractère national du langage : on notera en effet que le persan eut un rapport en quelque manière « dialectique », d’abord avec l’arabe, puis avec le turc, adoptant de nombreux éléments du lexique de chacune de ses langues.
La question qui se pose est plutôt celle de la diffusion du néo-persan en dehors de l’Iran actuel. On notera son utilisation en Asie centrale, en Inde et même en Anatolie et au Moyen Orient pendant plusieurs siècles. Dans ces cas, le persan devint une langue de cour importante avec laquelle on écrivait des traités historiques et de la poésie, ainsi que d’autres ouvrages. On l’utilisa largement dans l’empire ottoman, chez les moghols et enfin dans d’autres cours mineures de régions plus éloignées.
Objectif de la recherche
L’objet final de la recherche lexicographique consiste à cerner un ensemble conceptuel de la notion de paix, pertinent pour le monde iranien. Si la terminologie concernant la guerre peut se dire munie d’un vocabulaire richissime et très explicite, la même chose ne se vérifie pas pour ce qui concerne la paix, concept bien plus évanescent. D’un côté on remarquera que ce concept doit être spécifié dans différentes sphères sémantiques, telles celle des discours officiels (paix politique, paix sociale), et celle de la vie quotidienne (l’harmonie entre les êtres), ainsi que celle de la religion (la paix intérieure, la paix spirituelle).
En ce qui concerne la vie politique et sociale, les textes contenant des termes relevant du lexique de la paix sont les traités de paix et les correspondances diplomatiques. Les documents de l’historiographie officielle proposent des descriptions des périodes de paix.
En ce qui concerne la paix comme facteur individuel la recherche devra recourir plutôt à la littérature poétique et aux (rares) descriptions de caractère existentiel présentes dans la prose.
Corpus utile à l'étude du lexique de la paix
Pour ce qui concerne le lexique de la paix, la recherche sera concentrée sur certains ouvrages principaux en distinguant la terminologie arabe, principalement transmise par le Coran et la littérature religieuse, de la terminologie propre du néo-persan. Un bon point de départ sera le lexique employé par le Shāhnāme et la littérature classique. Pour ce faire on utilisera deux ouvrages principalement :
- Wolff, Fritz, Glossar zu Firdosis Schahname, Verskonkordanz der Schahname-Ausgaben von Macan, Vullers und Mohl, Berlin 1935.
- Shāhnāmah/The Shahnameh (The Book of kings) by Abū al-Qāsim Firdawsī ; éds. Jalāl Khāliqī Muṭlaq - Abū al-Faḍl H̱aṭībī, Maḥmūd Omīdsālār, 8 vols. Costa Mesa-New York, 1997-2008.
- On fera ainsi référence aux dictionnaires classiques de la langue persane, principalement au ‘Alī Akbar Dehkhodā, Loghatnāme, différentes editions et volumes. Aujourd’hui en ligne http://www.loghatnaameh.org/
On utilisera différents dictionnaires historiques, comme
- ‘Alī Ibn Aḥmad Asadī Ṭūsī, Loghat-e fors, éd. Moḥammad Dabīr Siyāqī, Téhéran, 1957.
- Muḥammad Qāsem ibn Muḥammad Kāshānī Sorūrī, Farhang-e Majma‘ al-Furs, éd. Moḥammad Dabīr Siyāqī, Téhéran, 1959.
- Mīr Jamāl ad-Dīn Ḥosayn Ibn Fakhr ad-Dīn Ḥasan Injū Shīrāzī, ‘Afīfī, Farhang-e Jahāngīrī, Mashhad, 1972-1975.
On emploiera bien entendu aussi des dictionnaires modernes :
- Steingass, Francis Joseph, A comprehensive Persian-English dictionary including the Arabic words and phrases to be met with in Persian literature, London 1930.
- Lazard, Gilbert, Dictionnaire persan-français / par Gilbert Lazard. Avec l'assistance de Mehdi Ghavam-Nejad, Leiden, 1990.
- Vullers, Johann August, Lexicon Persico-Latinum etymologicum accedit appendix vocum dialecti antiquioris, Zend et Pazend dictae; Bonn, 1855.
- Mo’īn Moḥammad, Farhang-e Fārsī, 6 vols., Téhéran 1992-1996.
On fera référence à d’autres volumes sur le lexique, en particulier aux 4 volumes de :
- Doerfer, Gerhard, Türkische und mongolische Elemente im Neupersischen, unter besonderer Berücksichtigung älterer neupersischer Geschichtsquellen, vor allem der Mongolen- und Timuridenzeit, 4 vols., Wiesbaden, 1963-1975.
Pour citer cet article
M. Bernardini, "La langue persanne", Les mots de la paix/Terminology of Peace [en ligne], mis en ligne le 15 octobre 2015 (consulté le jj/mm/aaaa)
URL : http://www.islam-medieval.cnrs.fr/Joomla/index.php/fr/persan