Fiche élaborée par Alice Mouton, UMR 8167 Orient & Méditerranée, équipe Mondes sémitiques
Familles de langues et particularités linguistiques
Les textes hittites combinent plusieurs langues provenant de familles différentes :
1. le hittite
2. le louvite
3. le hourrite
4. le hatti
L’akkadien et le sumérien sont également utilisés systématiquement dans chaque texte, en raison de la tradition syro-mésopotamienne que suivent les scribes hittites.
1. Le hittite (hittite nešili) est la première langue indo-européenne attestée par écrit. Les racines nominales sont composées de consonnes et de voyelles fixes qui sont fléchies selon le cas (six cas courants et trois autres plus rares), le genre (commun ou neutre) et le nombre (singulier ou pluriel). De même, les racines verbales sont fixes et affublées de terminaisons exprimant le mode (indicatif ou impératif/optatif), la voix (actif ou moyen-passif), le temps (inaccompli ou accompli) et la personne.
2. Le louvite (hittite luwili) est également une langue indo-européenne d’Anatolie. Comme le hittite, il est flexionnel. Le nom louvite a cinq cas courants, deux genres (commun et neutre) et deux nombres (singulier et pluriel). Quant au verbe, il est comparable, dans ses formes, au verbe hittite.
3. Le hourrite (hittite hurlili) n’est ni une langue indo-européenne, ni une langue sémitique. Certains linguistes cherchent à le rattacher aux langues caucasiques. Elle est agglutinante, à l’instar du sumérien auquel il n’est pas apparenté. Les racines nominales ou verbales sont généralement très courtes et comprennent des consonnes et des voyelles fixes. À ces racines s’agglutinent toute une série d’éléments suffixés qui expriment le cas (pour le nom), le temps et la personne (pour le verbe), le pronom, etc.
4. Le hatti (hittite hattili), tout comme le hourrite, n’est ni indo-européen, ni sémitique. Comme lui, il est une langue agglutinante. Les racines nominales ou verbales composées de consonnes et de voyelles fixes reçoivent des préfixes et des suffixes précisant le sens.
Écriture
Toutes les langues de l’Anatolie hittite s’écrivent en cunéiforme. Le système cunéiforme employé provient de la tradition syro-mésopotamienne et combine logogrammes (un signe pour une idée) et syllabogrammes (un signe pour une syllabe). Le louvite peut aussi être écrit en hiéroglyphique, un système d’écriture propre à l’Anatolie hittite. Cette écriture hiéroglyphique combine, elle aussi, des logogrammes et des syllabogrammes, même si la gamme des syllabes y est plus réduite qu’en cunéiforme.
Corpus utile à l’étude du lexique de la paix
Deux termes expriment clairement la notion de paix dans les textes cunéiformes hittites : le hittite takšul- (et ses dérivés) qui signifie « paix, traité de paix » et le hourrite enumašši qui est traditionnellement traduit par « conciliation, paix ». Le hittite takšul- est généralement utilisé en contexte diplomatique et a une connotation politique, tandis que le hourrite enumašši est employé en contexte religieux et fait allusion à l’apaisement des divinités. Ces deux termes seront étudiés en contexte par la suite.
Étendue chronologique et géographique
Les premiers textes cunéiformes produits sous l’égide d’un Grand Roi hittite remontent à la seconde moitié du xviie siècle AC. Ils sont en langue babylonienne et ont vraisemblablement été élaborés par des scribes syriens au service du roi hittite Hattušili Ier (ca. 1650-1620 en chronologie moyenne). On a récemment suggéré que les scribes ne se mirent à écrire le hittite que dans les environs de 1500 avant J.-C., leurs prédécesseurs suivant fidèlement la tradition syro-mésopotamienne consistant à rédiger les textes en babylonien. Environ 30 000 tablettes à écriture cunéiforme ont été mises au jour dans la principale capitale du royaume hittite, Hattuša (l’actuel Boğazkale, dans la province turque de Çorum). D’autres sites hittites ont livré des lots de tablettes moins importants : Šapinuwa (l’actuel Ortaköy, non loin de Hattuša : environ 3 000 tablettes), Tapigga (l’actuel Maşat Höyük, dans la province de Tokat : une centaine de tablettes), Šarišša (l’actuel Kuşaklı, dans la province de Sivas : environ 50 tablettes), Nerik (l’actuel Oymaağaç, dans la province de Samsun : fouilles nouvellement entreprises), Šamuha (l’actuel Kayalıpınar, dans la province de Sivas : fouilles nouvellement entreprises), pour ne citer que les sites anatoliens les plus importants. Des tablettes cunéiformes en langue hittite ont également été mises au jour dans des villes syriennes incluses dans l’Empire hittite : Emar (l’actuel Tell Meskéné) et Ougarit (l’actuel Ras-Shamra), notamment.
Bibliographie
- Neu, E., 1979, « Hethitisch kurur und taksul in syntaktischer Sicht », in O. Carruba (ed.), Piero Meriggi dicata II, Studia Mediterranea 1, Pavie, Aurora: 407-427.
- Richter, T., 2012, Bibliographisches Glossar des Hurritischen, Wiesbaden, Harrassowitz.
- Tischler, J., 1991, Hethitisches Etymologisches Glossar (= HEG), Innsbrucker Beiträge zur Sprachwissenschaft 20, Innsbruck, Institut für Sprachwissenschaft der Universität: 47-49.
Pour citer cet article
A. Mouton, "Les langues de l’Anatolie hittite", Les mots de la paix/Terminology of Peace [en ligne], mis en ligne le 10/12/2015, consulté le .