Fiche élaborée par Isabelle Augé, professeur, Université de Montpellier 3

Famille de langue et particularités linguistiques

La langue arménienne est une langue indo-européenne : le linguiste Heinrich Hübschmann a montré, à la fin du XIXe siècle, qu’elle en formait, à elle seule, une branche à part.

Écriture

Jusqu’au Ve siècle, il n’y a strictement aucun témoignage écrit de la langue arménienne, ni dans une écriture propre ni dans aucun autre système de transcription et l’accession au statut de langue écrite s’est apparemment fait d’un coup, au début du Ve siècle. Les sources attribuent la création de l’alphabet arménien à Mesrop Maštoc‘, mort en 441, mais les conditions de cette création restent controversées. Débutent ensuite les grands travaux de traductions, d’après les textes grecs et syriaques, pour mettre à disposition des Arméniens les grands textes religieux, en particulier la Septante et les Pères de l’Église. Cette première phase compte peu d’œuvres originales qui fleurissent par contre à partir du VIIe siècle ; le goût des auteurs arméniens pour l’histoire reste ensuite constant.

Étendue chronologique et géographie

L’étude des sources arméniennes médiévales est envisagée ici dans une chronologie très large, entre le Ve et le XIVe siècle avec, comme nous le verrons, un cadre géographique fluctuant selon les périodes.

Évolution de la langue, différences idiomatiques

À partir du XIe siècle, il convient donc de différencier, comme cela a été fait dans le tableau de présentation des sources, les textes écrits en Grande Arménie, sous domination turque, mamlouke ou mongole, selon les périodes, et les sources rédigées dans la principauté, puis le royaume arménien de Cilicie. Beaucoup d’éléments sont très différents, des conditions de production des œuvres aux influences linguistiques puisque les Arméniens de Cilicie sont alors en contact régulier avec les Francs. Alors que, jusqu’au XIe siècle, les historiens écrivent dans un arménien classique mêlé d’hellénismes, la langue évolue beaucoup à partir du XIIe siècle, en particulier dans le royaume de Cilicie. Cet arménien est bien connu grâce aux travaux du linguiste J. Karst et aux nombreuses traductions réalisées par le Père Mxit‘ariste Ł. Ališan et par certains historiens arménisants comme Edouard Dulaurier ou Victor Langlois. Cette évolution de la langue est déjà palpable chez un auteur comme Matt‘ēos Uṙhayec‘i (Matthieu d’Edesse). Si la langue de cet auteur du début du XIIe siècle est encore l’arménien classique, elle est déjà pénétrée de formes vernaculaires par exemple dans les formes grammaticales qui sont simplifiées.

Corpus utile à l'étude du lexique de la paix

Sources historiographiques

La présentation des sources historiographiques arméniennes peut se faire chronologiquement, en fonction des événements politico-militaires qui secouent le pays. Une première période court de la création de l’alphabet jusqu’à la restauration de la royauté arménienne par les Bagratides en 884. Pendant celle-ci, les Arméniens vivent sous domination étrangère, partagés dans un premier temps entre les Perses et les Romains (puis les Byzantins), avant que cet état de fait ne soit balayé par les invasions arabes qui font de l’Arménie une province du califat. Ces bouleversements sont décrits dans quelques œuvres majeures parmi lesquelles le récit du Peudo-Sebēos est peut-être le plus détaillé. A partir de 884, la royauté arménienne est restaurée et cette éphémère période d’indépendance se termine en 1045 lorsque les Byzantins prennent Ani. Le catholicos historien Yovhannēs Drasxanakertc‘i est l’un des témoins majeurs de cette période. La ville d’Ani, capitale du royaume, ne reste byzantine que quelques années avant de tomber sous le coup des invasions seldjûkides. Ces dernières, conjuguées à d’autres facteurs, sont à l’origine de la migration d’un nombre important d’Arméniens en Cappadoce, puis en Cilicie. Ils fondent là une principauté puis un royaume qui ne tombe sous les coups des Mamluks qu’en 1375.

Les différentes sources arméniennes

Les textes historiographiques constituent la partie la plus importante, d’un point de vue quantitatif, des documents étudiés. Nous avons toutefois choisi de faire quelques incursions dans d’autres champs typologiques, afin de compléter l’information.

Les sources arméniennes conservent un nombre assez conséquent de lettres échangées notamment par les autorités civiles et religieuses avec, par exemple, les dirigeants d’États voisins ou les chefs de communautés religieuses chrétiennes ou musulmanes. Les catholicos arméniens, séparés de l’Église universelle dès le VIIe siècle, ont par exemple très souvent échangé des correspondances avec les patriarches grecs ou les papes de Rome. Il est important de faire figurer dans l’étude des termes de la paix tout ce vocabulaire qui ressortit des pourparlers religieux. Nous avons ainsi choisi d’inclure dans le corpus étudié un recueil épistolaire, celui du catholicos Nersēs Šnorhali (le Gracieux) qui, dans la seconde moitié du XIIe siècle, s’est entretenu avec les Grecs et a été en contact épistolaire constant avec ses ouailles, qu’elles soient en Cilicie, où il résidait lui-même, ou en Grande Arménie, sous domination étrangère. Cette correspondance, qui a été compilée par une autre grande figure de la chrétienté arménienne, Nersēs Lambronac‘i, permet d’élargir le champ d’étude d’un point de vue typologique. Les Arméniens de Cilicie sont impliqués dans le contexte des croisades et cela entraîne, là encore, la rédaction par les catholicos de textes poétiques destinés à mettre en exergue certains événements marquants : Nersēs Šnorhali rédige ainsi une Élégie sur la prise d’Édesse, à la suite de la prise de cette ville par Zengî en 1146 et son successeur sur le siège catholicossal, Grigor Tłay, est l’auteur d’un texte équivalent concernant cette fois la prise de Jérusalem par Saladin. Ces deux documents ont donc, pour terminer, été inclus dans notre corpus.

Les textes pris en compte représentent donc un volume important. Un choix était nécessaire et laisse de côté un certain nombre de sources, comme les colophons, particulièrement développés dans les manuscrits arméniens ou encore les inscriptions. Nous ne nous interdisons pas bien entendu pas dans un second temps, de travailler sur ces sources.

Bibliographie

Éditions des textes et instruments de travail

La plupart des sources, jusqu’au Xe siècle, sont éditées dans Matenagirk‘ Hayoc‘, Antélias, à partir de 2003 (15 volumes parus). Pour les œuvres postérieures, nous avons consulté les éditions les plus récentes. Pour toutes les œuvres étudiées, nous avons indiqué, lorsqu’elles existaient, les traductions en langues européennes.

Dictionnaires

  • Un dictionnaire Arménien-Français : A. Calfa, Dictionnaire arménien-français, 6e édition, Lisbonne, 1991.
  • Dictionnaire arménien-arménien : Nor Baṙgirk‘ haykazean lezowi [Nouveau dictionnaire de langue arménienne], 2 vols., Venise, 1837.
  • Dictionnaire de moyen arménien : Ṙ. S. Łazaryan et H. M. Avetisyan, Miǰin Hayereni baṙaran, 2 vols., Erevan, 1987-1992.

Pour citer cet article

I. Augé, "Langue arménienne", Les mots de la paix/Terminology of Peace [en ligne], mis en ligne le 15/10/2015, consulté le .