Fiche élaborée par Isabelle Marthot-Santaniello, université de Bâle (Suisse)
Famille de langue et particularités linguistiques
Le grec fut la langue administrative de l’Égypte à partir de la conquête d’Alexandre le Grand (fin du ive s. av. J.-C.) et s’est maintenu durant le premier siècle de la domination arabo-musulmane jusqu’au milieu du viiie s., couvrant une période qu’il est coutume d’appeler le « millénaire papyrologique ».
Les papyrus documentaires d’Égypte constituent la plus importante source d’information sur le développement de la langue grecque durant le millénaire qui a suivi la période classique.
Le grec papyrologique se rattache à la koinê grecque, qui est une forme ionicisée du dialecte attique, exportée par la conquête macédonienne, et qui fut la langue de l’administration et de l’élite de la société dans les royaumes hellénistiques nés des conquêtes d’Alexandre, puis dans la partie orientale de l’empire romain.
La plupart de la littérature grecque de la période hellénistique et romaine entre dans cette catégorie de koinê, avec des œuvres aussi diverses que les Histoires de Polybe et le Nouveau Testament.
Le grec des papyrus documentaires a des traits communs avec ces œuvres mais en diffère, parfois considérablement, par de nombreux aspects : phonétique, morphologique, syntaxique, lexicologique (voir Dickey 2009).
Les papyrus littéraires peuvent nous éclairer par leurs notes, scholia et erreurs qui montrent ce qui n’était plus compris ou qui posait problème pour un hellénophone d’Égypte à telle ou telle période.
Les textes documentaires sont plus à même de nous renseigner sur la langue courante, même si le passage de la langue orale à la langue écrite est important. En effet, on considérait déjà comme un manque d’éducation « d’écrire comme on parle » mais, de nouveau, ce sont les erreurs et maladresses des auteurs (de lettres privées par exemple) qui peuvent attester du niveau de familiarité de telle ou telle expression.
Le vocabulaire des papyrus documentaires diffère souvent de celui des textes en grec classique (dialecte attique). Une partie de ces différences découle naturellement de références à des réalités physiques, sociales et politiques propres à l’Égypte hellénistique et romaine. Cependant cet « endémisme » ne permet pas d’expliquer l’ensemble des changements lexicaux. Certains termes classiques sont très manifestement tombés en désuétude et ont été remplacés par des synonymes, parfois rares, parfois même inconnus dans la langue classique. D’autres ont vu leur sens et emploi évoluer. Plusieurs de ces évolutions sont visibles dans certaines œuvres littéraires aptes à prendre leurs distances avec le canon du grec classique (comme le Nouveau Testament) et ont souvent persisté dans le grec moderne.
Écriture
Évolution de la langue
Une évolution dans le vocabulaire de l’agriculture à partir du ive s. apr. J.-C. a déjà été soulignée (Cadell 1974). Nous tâcherons de voir si un renouvellement a également lieu dans le lexique de la paix.
Étendues chronologique et géographique
Du iiie s. av. J.-C. au milieu du viiie s. apr. J.-C.
Essentiellement grec hellénistique et romain sur papyrus et ostraca d’Égypte. De très rares cas hors d’Égypte, les plus importants dossiers étant ceux du Proche-Orient : Doura-Europos, Moyen-Euphrate, Nahal Hever, Petra et Nessana (voir Gascou 2009).
Objectif de la recherche
Recherche des expressions relevant du lexique de la paix dans les papyrus documentaires, attention portée à leur évolution chronologique mais aussi au contexte dans lesquels ils apparaissent, en particulier le type documentaire (ordres officiels des administrateurs, lettres privées, contrats, etc).
Une fois les termes clés repérés, il sera possible d’en analyser les emplois.
Par exemple, près de 650 textes comportent un mot débutant par eirên- et donc formé sur le mot εἰρήνη, eirênê, « la paix ». On distinguera les emplois en anthroponyme (nom féminin Eirênê, masculin Eirênaios, Eirêniôn dont on peut creuser la popularité en examinant la répartition chronologique, sociale, géographique des attestations), les compositions (fonctionnaires « commandant de la paix » eirênarchos εἰρήναρχος, « gardien de la paix », eirênophylax, εἰρηνοφύλαξ) et les emplois du terme eirênê lui-même, dans tel contexte, telle expression, tel type documentaire.
Corpus utile à l’étude du lexique de la paix
L’ensemble des papyrus documentaires est accessible sur papyri.info.
La consultation de scholies et de notes sur papyrus littéraires alimentera la discussion avec les autres spécialistes de la langue grecque.
Bibliographie
Cadell H., 1974, « Le renouvellement du vocabulaire au IVe siècle de notre ère d’après les papyrus », Akten des XIII. Internationalen Papyrologenkongresses, Marburg/Lahn, 2—6 August 1971, Munich, p. 61-68.
Cavallo G., 2009, « Greek and Latin Writing in the Papyri », in R. S. Bagnall (ed.), The Oxford Handbook of Papyrology, Oxford University Press, p. 101-148.
Dickey E., 2009, « The Greek and Latin Languages in the Papyri », in R. S. Bagnall (ed.), The Oxford Handbook of Papyrology, Oxford University Press, p. 149-169.
Gascou J., 2009, « The Papyrology of the Near-East », in R. S. Bagnall (ed.), The Oxford Handbook of Papyrology, Oxford University Press, p. 473-494.
Instruments de travail
Pour citer cet article
I. Marthot-Santaniello, "Grec papyrologique", Les mots de la paix/Terminology of Peace [en ligne], mis en ligne le 14/12/2015, consulté le 27/03/2023.